SES DEBUTS
Léna Situations a fait une école de luxe à Paris que ses parents ont payé en faisant un prêt. Et pour sa dernière année, son programme donnait la possibilité de partir aux USA. Elle a cumulé plusieurs jobs étudiants pendant 3/4 ans pour payer son voyage à N-Y. Elle a d’ailleurs commencé à gagner davantage en notoriété sur Youtube grâce à ce fameux voyage! Mais beaucoup se reconnaissait dans son parcours. C’était il y bientôt 6 ans, donc, avant le COVID. Il y a pas mal d’étudiants qui font des jobs d’étudiants, qui font des prêts pour leurs études, qui partent en Erasmus,… Elle n’était pas du tout la plus nantie dans son école, au contraire! Elle ne portait pas de sacs de luxe, elle n’avait pas les moyens alors que toutes ses camarades de classe si. D’ailleurs son 1er vlog d’août se passait quasi exclusivement à Paris car elle n’avait pas les moyens ou le temps de voyager (jobs étudiants) et vu qu’elle s’ennuyait car bcp de ses connaissances étaient en vacances, elle voulait (se) prouver qu’il y avait des choses fun à faire en aout, même en restant à Paris. Elle représentait la copine que tu voulais rencontrer à l’université et/ou en haute école.
L’ASCENSION
Dans un documentaire de Arte « Peut-on vraiment quitter sa classe sociale ? », on explique le cas de personnes sortant de leur classe sociale ouvrière pour aller se ranger auprès des plus hautes sphères de la société comme Léna.
En effet, la petite Léna Mahfouf est la fille aînée d’un couple d’immigrés et d’ouvriers algériens qui ont fuit le terrorisme dans leur pays natal pour trouver refuge en France. Il faudrait en moyenne 6 générations pour passer du statut de ses parents à celui de la classe moyenne supérieure. Cependant, Léna fait partie des exceptions et gravite désormais autour des plus hautes sphères de la société en une seule génération grâce à son métier de créatrice de contenu. Elle est devenue aux yeux du Tout Paris: Léna Situations!
Dans son livre « Les transclasses ou la non-reproduction« , Chantal Jacquet, philosophe française, préfère sortir de cette idée d’ascenseur sociale ou de réussite sociale lorsqu’on passe de la classe ouvrière à la classe supérieure car ce passage n’est pas forcément toujours positif pour tout le monde. Elle cite l’historien Jules Michelet pour définir la valeur de l’ascension sociale: « Le plus difficile n’est pas de monter mais en montant de rester soi ». Economiquement, il reconnait qu’il peut y avoir un gain tout à fait appréciable mais il y aurait un risque de se perdre dans le passage. Est-ce que ce passage est un moyen de dominer les autres ou un moyen de liberté pour soi et pour d’autres? Et quand on voit la façon dont agit Léna avec toute sa communauté: cadeaux aux fans, toujours bienveillantes à chaque rencontre, a aidé à travers ses RS à collecter des crèmes pour les mains et à faire la promotion de restaurants durant la crise sanitaire ou encore à créer une bourse en collaboration avec son ancienne école de mode pour qu’un étudiant n’ait pas à devoir payer son inscription… On peut constater qu’elle tente de bien des façons de rendre à ses followers, d’utiliser à bon escient sa nouvelle puissance économique.
Chantal Jacquet s’intéresse aux exceptions que Bourdieu ne voulait pas analyser pour ne pas accréditer l’idéologie méritocratique selon laquelle il suffirait « juste »de le vouloir pour s’en sortir.
Selon elle, la volonté est un mot qui masque l’ignorance qui permet un changement de classe et part plutôt du postulat que quand « On peut, on veut! » Si personne ne vous aide, comment pouvoir s’extirper d’une situation difficile?
Léna a eu ses parents qui ont fait un prêt étudiant pour qu’elle puisse faire ses études, elle a eu ses amis qui ont accepté d’apparaître dans ses vlogs dès le départ. Sa famille et ses amis, avec le peu de moyens qu’ils avaient, ont cru en ses projets et l’ont soutenue. Ce sont des éléments décisifs qui ont permis sa réussite car sans ce prêt, elle n’aurait pas pu faire d’école de mode, elle aurait pu faire des jobs pour partir à New-York 15 jours mais ce n’est pas la même chose que de vloguer sur un long séjour de plusieurs mois dans une école new-yorkaise. Sans ses amis pour la suivre dans ses aventures, il n’y aurait eu que Léna devant la caméra. Elle n’aurait peut-être pas eu une réussite aussi prospère qu’elle a aujourd’hui car sans aucun soutien, il est difficile de s’en sortir.
POSSIBLE DECLIN
Chantal Jacquet explique bien qu’il y a souvent à la fois propulsion et expulsion: Léna est propulsée vers une classe sociale supérieure grâce à son métier sur les RS mais aussi expulsée par ces mêmes followers sur les RS.
Tout transclasse, tel que Léna, est amené à déconstruire et à reconstruire son identité. Elle va faire l’épreuve du passage qui est une confrontation entre des mondes et des codes différents qui peuvent être parfois contradictoires d’où des tensions qui peuvent être vécues sous la forme d’un sentiment de ne plus être tout à fait la même personne, de ne pas être à sa place, voir pourquoi pas le sentiment d’imposteur dont elle parle si souvent. Il faut donc que Léna prouve à tout le monde qu’elle a le droit de faire partie du gratin de Paris en bossant dur car sans cela, elle ne serait pas aux yeux du monde « légitime » de faire partie de l’élite.
Ceux qui ont commencé à la suivre étaient pour bcp, étudiants comme elle. Elle devait faire des jobs étudiants, des stages, des devoirs comme n’importe quel autre étudiant. Elle avait le même train de vie que ses followers. Seulement avec les années, elle, elle s’en est brillamment sorti, ce qui n’est pas forcément le cas de ses abonnés qui ont subi la crise COVID de plein fouet avec toutes les conséquences qu’on connait: lockdown et crise financière tandis qu’elle ne semblait pas plus impactée que ça par la crise. En effet, tout comme d’autres influenceurs, elle continuait ses voyages, ses collaborations, etc… Sa carrière décollait de plus en plus, alors que celles de ses followers s’est pt arrêtée. On se souvient de la problématique des étudiants fantômes ainsi que leur appauvrissement.
L’image de « la fille qui est comme nous » ne semble plus convaincre car elle parait persister à faire comme si elle en était toujours au même point qu’à ses débuts. Ce qui n’est plus le cas et ce qui est dans le fond une bonne chose! Il serait bien triste qu’après son dur labeur, elle en soit toujours à autant galérer que lorsqu’elle était encore aux études! Je crois que son public a juste besoin d’authenticité et d’honnêteté. Cependant, ses harceleurs sur les RS n’ont aucune justification quant à leur mauvais comportement! Léna semble vraiment être quelqu’un de bien et quand bien même, je ne trouve pas que qui que ce soit mérite un tel acharnement!
NOUVELLE LIGNE EDITORIALE
Cela étant dit, bien que son format actuel semble un peu s’essouffler, il n’est pas dit que sa carrière va flancher pour autant! Le plus dur selon moi pour un créateur de contenu n’est pas de proposer sans arrêt des idées sur un même thème mais de changer complètement de ligne éditoriale comme l’a fait avant elle Enjoyphoenix!
On peut voir à travers son aventure au Kilimandjaro qu’elle tend à prendre une nouvelle direction et peut-être proposera-t-elle dans le futur un nouveau type de vidéos qui feront revenir une partie de son public qui aurait pu déserter, voir en accueillir un nouveau.
Néanmoins, les strass et paillettes dans l’univers de la mode étaient son rêve depuis le début, qu’elle a pu concrétiser aujourd’hui mais que sa fanbase, la suivant pour sa personnalité, a oublié en cours de route avec son ascension sociale.
Le principal évidemment est que cela doit rester amusant avant tout pour elle-même puisque c’est son métier mais aussi pour ses abonnés puisqu’il s’agit également de les divertir et il serait faux de croire que son parcours ne reste pas malgré tout inspirant!
Enfin, voilà, je termine mon article là-dessus. N’hésitez pas à me donner votre avis sur celui-ci!
Sur ce, à bientôt les loulous! 😉